mardi 2 décembre 2008

Mercredi 26 au soir

Notre avion atterri à Bombay vers 21h15 (1 h de retard) avec encore nos préoccupations de simples touristes. Chopper une borne internet pour savoir si la chambre a correctement été réservée. Ben NON bien sur!! L'hôtel n'a plus de dispo et nous propose un autre lieu de résidence à proximité, GRRRRR. Trouver un taxi en évitant les rabatteurs car il n'y a pas de borne pour les trajets prépayés. On en prend un au pif qui ne veut pas négocier le prix mais utiliser le compteur. Les flics ont l'air de contrôler un peu le souk, On accepte avec un gros doute. Le gars pige que dalle. C'est parti pour Bombay. On passe la borne de sortie, le policier de garde demande notre destination, "Collaba".

Le taxi file à fond en se moquant des feux rouges, impossible de lire le compteur qui se trouve sur le capot, le conducteur inspire tout sauf confiance (mais c'est normal, c'est un taxi)
On passe un premier carrefour avec des policiers, le gars dit "Bomb", je propose comme explication que c'est à cet endroit que le dernier attentat à Bombay a eu lieu (Oui je sais ,suis très fort)

Le gars s'arrête pour prendre un coup de fil, une fois puis deux fois, la c'est Victoria qui grogne, "il va pas faire son secrétariat au volant en plus" (on vous a dit qu'on ne faisait jamais confiance aux taxis?)
On repart, gros barrage policier, on ne passe plus. Des bus de tv sont là, le coup de la bombe a l' air plausible. Le gars veut repartir dans l'autre sens. Pas question, on veut parler aux flics. On lui impose de s'arrêter, ce qu'il fait bien loin du premier policier. Au moment de payer, c'est le double des prix indiqués dans le guide, GRRRRRR

On prend nos sacs, on n'a aucune idée où on se trouve, on demande à un hôtel puis aux policiers du barrage. Ceux-ci nous mettent dans un autre taxi et lui expliquent par où passer pour atteindre l'hôtel. A ce moment, notre représentation mentale de la situation, c'est l'attentat classique, une bombe plus un quartier bouclé pour les secours et la sécurité.

Le deuxième taxi a l'air plus débrouillard et sympa que le premier (pas trop de mal à vrai dire). On roule vers l'hôtel, vive la douche chaude qui nous attend. Deuxième barrage, le taxi ne peut passer mais on nous dit que l'hôtel est à 5 min a pied. Pas de souci, on descend.
Là, des gens dans la rue nous disent de nous rendre au poste de police le plus proche, pas moyen de savoir où se trouve notre hôtel et où on est. Après un mois d'Inde, notre confiance dans les gens de la rue est très émoussée pour parler gentiment. Ca a l'air sérieux donc on les suit au poste (il doit être 22h30, 23h).

Bon, le poste de police est à l'image de l'Inde (pas la super puissance informatique qui envoie des fusées sur la Lune, la vraie Inde bordélique que l'on traverse depuis le début du voyage)
On retrouve une petite trentaine de personnes dans la cours à l'arrière du poste. Un pov gars avec un fusil en bois, un gilet part balle de 12 tonnes et un casque de gladiateur garde la porte, le reste des troupes regarde la télé dans la pièce principale.

Il y a majoritairement des occidentaux et quelques indiens très classe moyenne. On essaie de savoir ce qui se passe sans trop de succès.
On s'installe en attendant que ça se passe, il n'y a pas de bruit en ville. Les policiers ne savent rien, je repéré deux français habilles assez classe, des expats qui en savent peut être plus, ils sont au tel, j'essaierai de leur parler plus tard.

Une explosion retentit assez loin, la tension monte d'un cran, on échange quelques mots avec nos deux jeunes voisins indiens. Malgré leurs portables, ils ne savent pas ce qu'il se passe.
Pas d'info des policiers, on a juste le droit de ne pas bouger. Je repars à la recherche des Français mais ils ne sont plus la.

Le temps passe tranquillou, on se demande s'il faut prévenir les parents, avec 4h30 de décalage, le journal de 20h n'est pas passé. On n'est pas spécialement inquiet, les explosions peuvent être dues à la police qui fait sauter des colis suspects. Faut juste s'installer pour la nuit.

Les policiers se bougent un peu et décident de fouiller les sacs. Le responsable (imaginez un sergent Garcia indien) demande à ce qu'on le prévienne si des éléments suspects arrivent dans le groupe. L'impression d'incompétence est telle qu'ils se font rembarrer, la nana ose à peine toucher nos sacs a dos.
On constate que les indiens ont l'air d'avoir pu quitter le poste.

Victoria part à la recherche des toilettes, elle tarde à revenir, je la rejoins discutant avec un petit groupe de personnes. Parmi eux, un Belge qui vient de s'échapper du café Leopold, il raconte l'attaque à l'arme automatique et comment ils sont sortis. C'est la première info valable sur la situation.

De nouvelles personnes sont arrivées, elles ont l'air bien choquées. Nous faisons la connaissance de Céline et Aurélie, deux françaises qui nous expliquent qu'elles viennent aussi du café Léopold,. Elles ont échappé aux tirs en étant à l'étage. Parler fait du bien.
Nous sommes quasiment les seuls à avoir plus qu'un sac à main. Nous sortons la trousse de secours pour les égratignures (c'est dommage d'échapper aux attentats et chopper une septicémie), les maux de têtes et la polaire pour une espagnole frigorifiée.
Le portable commence à être utilisé, les parents sont prévenus. Les infos arrivent au compte goutte. On apprend qu'il y a des otages à l'hôtel Taj, que 200 militaires doivent arriver de Delhi (que Bombay, une ville de 17 millions d'habitant ne dispose pas de 200 militaires un peu spécialisés faire sourire, c'est l'Inde), la conversation se détend.
On appelle l'ambassade qui ne sait pas grand chose et nous conseille de ne pas bouger.
Les militaires arrivent, pas plus rassurant que les policiers en fait (en plus ils sont armés, avec des fusils en bois, mais quand même). Une des filles sort "c'est quoi ces mecs avec des pompons" (effectivement, il y a des pompons sur les casques en guise de camouflage).

Ça doit être peu après que les premiers échanges de tirs éclatent. L'atmosphère se tend d'un coup. Pour les gens ayant échappés aux tirs ça veut dire que c'est pas fini, pour nous, ça veut dire que le modèle ¨on craint rien, y a jute a attendre¨ en prend un sacré coup.
Victoria commence à diffuser son expérience d'intervention sur des terrains en guerre. En cas d'attaque, le groupe est effectivement en pleine ligne de tirs provenant de la rue. Elle conseille de se placer derrière les murs, tout le groupe se déplace, la tension monte encore.
Des tirs sonnent beaucoup plus proches, tout le monde se réfugie sous une sorte de préau où sont garées deux voitures, il y a aussi des explosions. On change nos tatanes contre nos chaussures pour pouvoir courir, ça fait monter le stress mais autant être prêt. Victoria pense qu'être à cité des voitures est dangereux en cas d'explosion, on cherche des coins plus abrités au cas où et on regarde comment sortir par l'arrière.
Les gens restent planqués sous ce préau, la tension baisse malgré les explosions, les tirs se sont un peu éloignés.
La conversation roule sur ce qu'on a fait en Inde, Aurélie explique le reportage sur les femmes qu'elles font depuis deux mois, Céline est beaucoup plus choquée et ne parle plus beaucoup.

On discute avec une anglaise qui était sur le même vol que nous, elle s'était fait un dernier plaisir avant de quitter l'Inde en s'offrant une ou deux nuits au Taj. Elle pourra passer à la télé dans la rubrique 'j'ai échappé à la mort grâce à mon retard d'avion'. Les questionnements sur la chance et les décisions graves de conséquences vont être un des sujets principaux de conversation dans les jours qui suivent. Ca m'évoque une pièce qui roule et qui tombe parfois sur pile parfois sur face. Le problème, c'est qu'on ne sait pas quel est le bon coté ni à quoi on échappe vraiment. L'image va me suivre longtemps.
Les conversations alternent le futile au tragique, on récupère des infos provenant d'Europe au compte goutte. La grogne contre la léthargie de la police nous occupe pas mal!!!
Personne de réellement compétent n'est passé nous voir, on n'a pas d'eau, la plupart des gens sont en t-shirt. Les noms des rescapés n'ont pas été enregistrés, encore moins leurs témoignages. Par contre, le traitement 'rugueux' en cas de déplacement est de mise.

Je tente d'avoir mon assurance carte bleu (MasterCard) pour voir si on peut être rapatrié, la conversation est surréaliste, je donne mon numéro de carte bleu entrecoupé d'explosions, la gentille demoiselle me dit qu'on me rappelle. Rappel de l'assurance, cette prestation n'est pas prévue dans le contrat!!!! Étrangement, je reste poli, le stress est centré sur autre chose.

Je pars à la recherche de toilettes, les pissotières sont contre le mur du commissariat donnant sur la route, c'est limite point de vue sécurité, les leçons de Victoria rentrent vite,. Je fais mon affaire vite fait:)

Les combats s'apaisent et le stress redescend, vers 5h un policier déclare que la situation est 'Safe'. Bien sur, on a pas confiance. Les filles logent dans un petit hôtel à 50m du poste. On n'arrive pas à savoir où on est et du coup si notre hôtel est dans la partie 'safe' (sans compter que notre réservation est dans un hôtel voisin). On décide de suivre les filles jusqu'à leur hôtel . En cas de combat généralisé, le poste de police fait une cible plus évidente que leur petit hôtel. La police refuse de nous accompagner. On parcourt ces 50ms bien stressé. L'hôtel est rassurant, il reste une chambre. Douche plus dodo, demain il fera beau!!

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